“Two possibilities exist: either we are alone in the Universe or we are not. Both are equally terrifying.”

― Arthur C. Clarke

20100707

PAS SI PURITAINES, LES VICTORIENNES...

Comme je le fais à l'occasion, je me permets de reproduire ici un articles pris ailleurs.  Il s'agit en fait de deux articles liés, de Silvia Galipeau de La Presse.



On les a toujours crues pincées, prudes, froides, limite frigides. Bref, archi-puritaines, les femmes victoriennes. Or, voilà qu'un sondage réalisé auprès d'une quarantaine de femmes de l'époque, probablement le tout premier du genre puisqu'il porte explicitement sur les pratiques sexuelles, nous les présente sous un tout nouveau jour. Curieuses, coquines même et, ô scandale!, carrément portées sur la chose...

En 1948, puis en 1952, les rapports Kinsley sur les habitudes sexuelles des hommes et des femmes créent tout un émoi. Pour la première fois, croit-on, on aborde une question jusque-là demeurée taboue: le sexe. Imaginez un peu la controverse.

Or, c'était sans savoir que, plus de 50 ans plus tôt, une femme (pionnière à plusieurs égards) avait fait exactement la même chose, à un détail près: son enquête à elle est restée secrète. Oubliée et quasi enterrée, pendant de très longues années.

L'auteure? Clelia Mosher, née en 1863 dans l'État de New York. Parce qu'elle était tuberculeuse, son père, physicien, ne voulait pas qu'elle fasse d'études. Trop faible, croyait-il. Entêtée, la jeune femme a quand même décidé d'aller à l'université, avec quelques économies.

De fil en aiguille, elle s'est retrouvée à Stanford, en hygiène, puis à John Hopkins, en médecine. Une rare femme dans un monde d'hommes. Et c'est là, dans le cadre de ses recherches sur la santé des femmes (elle a toujours cherché à remettre en question et à briser les stéréotypes sur les femmes), qu'elle s'est mise à enquêter. Pas sur n'importe quoi: sur la vie des femmes mariées de son époque. La vie, les relations, le sexe. Tout.

C'est un historien de Stanford, Carl Degler, qui a mis la main sur cette recherche dans les années 70. «C'était il y a quelque temps, dit-il d'une voie chevrotante mais amusée au bout du fil. La plus belle - et la seule - découverte de ma carrière d'historien!» L'homme, qui a presque 90 ans aujourd'hui, s'en souvient comme si c'était hier: «Je travaillais sur l'histoire des familles et, en fouillant dans les archives, je suis tombé sur une série de questionnaires jamais publiés. C'est simple, personne n'était au courant de ces données!»

Elles n'en constituent pas moins des témoignages uniques et même historiques, dit-il: «Ce sont les témoignages sur la sexualité des femmes les plus anciens que nous ayons! Le sexe, ce n'est pas quelque chose dont on parlait à cette époque.» Sa grande surprise repose d'ailleurs sur l'aspect très «explicite» du questionnaire: «À quelle fréquence avez-vous un orgasme vaginal?» demande carrément la chercheuse aux femmes. «Je ne savais même pas que les femmes parlaient d'orgasme au XIXe siècle!» lance l'historien, ex-président de l'Organization of American Historians.

Qu'y apprend-on, au juste? «On se rend compte que les femmes étaient assez ouvertes et qu'elles parlaient de leurs expériences, relate la féministe Marilyn Yalom, qui traite de ce fameux sondage dans son livre A History of the Wife, paru récemment. Elles appréciaient beaucoup leur sexualité, et les trois quarts ont même dit avoir déjà éprouvé un orgasme.»

Vrai, le sondage, réalisé auprès de 40 femmes seulement, toutes universitaires, probablement issues de la haute bourgeoisie - bref, instruites -, n'est pas nécessairement représentatif. Mais il reste que l'image que l'on a de la femme victorienne l'est peut-être encore moins. «Les Anglais ont conçu, créé cette femme-ange, the angel in the house, qui n'a aucun désir sexuel. Mais ce n'est pas du tout la réalité que l'on trouve dans les écrits de cette époque», conclut l'auteure. Clairement pas.

LE SEXE, "UNE TRÈS BELLE CHOSE"

 
Au début du XXe siècle, bien avant le rapport Kinsley, l'Américaine Clelia Mosher a sondé ses compatriotes. Objectif: faire le point sur leurs habitudes sexuelles.

Peu connue, l'étude nous présente les femmes victoriennes sous un tout nouveau jour. Ainsi, des 45 femmes interrogées, 35 affirment désirer leurs relations sexuelles, 34 ont déjà eu un orgasme, 24 disent que le plaisir des deux sexes est important dans une relation sexuelle, et les trois quarts ont une relation au moins une fois par semaine.

La moitié des femmes ne savaient rien du sexe avant de se marier. Les mieux informées disent avoir glané quelques renseignements en parlant avec d'autres femmes ou encore en «observant les animaux de la ferme».

Côté contraception, même si la chose était un crime à l'époque, 30 femmes affirment avoir tenté de limiter les naissances. Comment? Avec des douches, en pratiquant le retrait ou avec un «voile masculin» (l'ancêtre du condom).

Le sondage compte aussi plusieurs questions ouvertes. Quelle opinion les femmes victoriennes avaient-elles du sexe? «Le sexe est un désir normal», «un usage rationnel de nos activités sexuelles nous garde en bonne santé», «c'est une très belle chose, je suis très heureuse que la nature nous l'ait donnée», répondent-elles.

Et le plaisir, dans tout ça? Une répondante avoue faire chambre à part «pour éviter les tentations et les relations trop fréquentes», tandis qu'une autre indique au contraire feindre le plaisir!

La plupart des femmes sondées sont nées avant 1870, certaines dès 1844.

Des extraits du sondage ont été publiés dans American Heritage et le Stanford Magazine.

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