La ville est hockey

Outre le fait que l'on puisse aisément estimer la direction du vent grâce à la quantité inouïe de fanions accrochés aux voitures, ce printemps est désormais passé à l'histoire comme celui où une douce folie s'empara des Montréalais.

Oui, le CH est partout! Ça fait presque drôle de dire ça lorsqu'on parle de la métropole québécoise. Après tout, n'y réfère-t-on pas comme "la Mèque du hockey" ?

Lorsqu'on songe aux mots "hockey" et "Montréal", on a tendance à croire qu'aucun excès ne nous étonnera plus. Et pourtant...

J'ai suffisamment de kilométrage au compteur en tant qu'amateur pour pouvoir vous affirmer qu'on n'a rien vu de semblable depuis la belle époque de Guy Lafleur. Même les conquêtes de la Coupe Stanley de '86 et '93 n'avaient pas générées autant de visibilité spontanée du légendaire logo bleu-blanc-rouge.

Il suffit d'être un tant soit peu attentif pour que les nombreuses manifestations de ce phénomène nous sautent aux yeux, voire aux oreilles.

En voici, sans ordre particulier, quelques-unes que j'ai observées:

Les Nouveaux Fans
Des gens qui, naguère, ne démontraient que peu ou pas d'intérêt pour la Sainte-Flanelle font aujourd'hui preuve d'un enthousiasme débordant.

Dans le même ordre d'idées, les femmes sont beaucoup plus nombreuses que jadis parmi les cohortes de supporteurs.

Les Exubérants
Dimanche, un zouf sur ma rue a passé la journée complète à s'époumoner dans un clairon en plastique. Une journée entière à se faire bourrer les oreilles de sons évoquant une corne de brume frappée de laryngite!

Hier, c'était la même chose sous les fenêtres de mon bureau. À moins qu'il ne se soit agit du même zouf m'ayant suivi jusque là.

Les Démonstratifs
Je l'ai dit, ils ont des drapeaux du Canadien accrochés aux vitres de leur bagnole. Y'a aussi ceux qui arborent fièrement l'étendard, comme par exemple celui-ci... j'ai pris ce cliché sur Dr. Penfield près de mon lieu de travail:



Et que dire de cet autre gugusse, croisé naguère dans un stationnement de centre commercial, qui avait apposés d'énormes "stickers magnétiques" rectangulaires tout autour de la carrosserie de sa Mustang convertible ?

Parmi cette classe de fans, on retrouve aussi ceux dont les démonstrations de ferveur ne se limitent pas leurs à leur seul individu, mais se constatent également dans leur entourage immédiat. Comme ce type aperçu hier dans le métro tenant son bébé dans les bras. La suce du poupon était reliée à son chandail par un ruban de tissus, comme c'est souvent le cas, ruban qui s'accroche au vêtement grâce à une pince de plastique... à l'effigie du célèbre CH!

Les Convertis
Même les Infidèles se convertissent désormais à la Vraie Religion. Les ennemis de jadis, les "bleus", les "fleurdelysés" qui ont cruellement souffert de voir leur équipe déménager au Colorado... les voilà qui encouragent la Sainte-Flanelle.

Oh! Pas tous, c'est vrai. Mais ils sont de plus en plus nombreux. Le temps efface les rancoeurs; la marée des saisons sans équipe locale érode peu à peu les récifs de leur arrogance et de leur amertume. Et puis, une nouvelle génération de fans se lève et on entend souvent parmi eux: "mon père était un partisan des Nordiques". Or, ces jeunes étaient à peine nés lorsque leurs parents virent avec horreur leur équipe être vendue à Denver.

Dieu! que les gens ont besoin de héros! À une époque où tout va mal, où l'individualisme règne, où l'on souffre d'être ordinaire, anonyme, il semble essentiel de pouvoir trouver quelque part un source de fierté, fût-elle collective.

Et puis, on le sait tous, les Montréalais sont chauvins. Et le fait que le Tricolore ait terminé au 1er rang de l'association de l'Est ne peut être totalement étranger à cet état de choses.

Je n'ai rien contre le phénomène mais je ne suis pas dupe. J'ai déjà hâte de voir où seront tous ces fiers partisans quand la mode sera passée... quand le lustre aura terni; quand les Habs seront redevenus une équipe ordinaire.

Avec le centenaire l'an prochain, ça ne sera pas pour tout de suite.