C'est tous les jours ma fête

Vendredi dernier, je ne me souviens plus pourquoi (ma mémoire a une forte propension à oblitérer ce que ma raison ne parvient pas à justifier) je me suis pointé au boulot un peu en retard. Oh, pas grand chose: quinze minutes.

Mais comme nous fonctionnons sur des horaires flexibles et qu'on peut commencer notre journée de boulot quand on veut — du moment que c'est entre 7:30 et 9:30 le matin — disons que se pointer au taf à dix heures moins le quart, c'est pas fort.

Heureusement, mon bureau est tout près de la porte d'entrée. Je me disais donc que je serais sans doute en mesure de me glisser jusqu'à ma chaise en passant relativement inaperçu.

Erreur.

En passant les portes électromagnétisée de l'entrée, j'ai été saisi par une vision surprenante: mon espace de travail, communément appelé cubicule, avait été décoré d'un tas de ballons colorés et de guirlandes de papier flanquant une large banderole argentée annonçant BONNE FÊTE en grosses lettres multicolores.

Autant pour la discrétion.

Faut que je vous dise... je travaille majoritairement avec des femmes. Dire que 95% du personnel est féminin n'est pas une estimation exagérée. J'en voyais déjà 2-3 s'approcher de moi pour une volée de bisous tandis que je levais lentement les mains en signe de reddition. Mal à l'aise, j'admirais les décorations et déclarais, confus: "Vous êtes super gentilles. Les décorations sont très belles. C'est vraiment cool. Mais c'est pas ma fête."

— Hein? Comment ça? C'est pas aujourd'hui?

— Bin, non.

— On a reçu un courriel. C'est quand, ta fête?

— Euh, c'est dans deux semaines.

On m'a bien demandé ma date d'anniversaire, quelques jours après mon arrivée. Une collègue tient le registre et avise tout le monde quand vient une fête. Je lui ai bien dit le 19, mais elle a dû comprendre le 9. Et le 9 étant un samedi...

Je me suis précipité à mon clavier pour une opération de "damage control" et j'ai retourné le email incriminant à tout le monde en renouvelant mes remerciements et mon correctif. L'anecdote a beaucoup amusé mes collègues qui en rigolaient entre elles. Y'avait juste ma boss qui ne riait pas, semblant je-ne-sais-pourquoi être demeurée fixée sur la question de mon heure d'arrivée :oP

Je n'ai pas osé décrocher les décos. Elles y sont toujours. La communication en milieu de travail, dans une grosse compagnie, étant ce qu'elle est, ça fait une semaine que je prodigue des dénégations à droite et à gauche. La confusion la plus totale règne à l'égard du jour exact où la planète fut gratifiée de mon arrivée sur Terre. Et la période estivale, propice aux vacances et congés de toutes sortes, n'aide en rien puisque chaque nouveau jour amène son lot de personnes pas au courant qui, revenant au travail et entrant sur l'étage, sont accueillis par cet étrange cubicule décoré.

Et, chaque jour depuis une semaine, je dois me pencher légèrement à chaque fois que j'entre et ressors de mon espace de travail, à cause de la satanée banderole. "Si vous me voyez me balader dans les locaux avec un gros "Bonne Fête" dans le front pis trois-quatre ballounes virevoltant au dessus de ma tête, soyez chics, avertissez-moi." leur ai-je demandé à quelques reprises.

Elles dégonflent lentement, d'ailleurs, les ballounes. Me demande si elles tiendront jusqu'à mardi prochain.

En attendant, ça a des avantages. Chaque matin depuis une semaine, une collègue voisine me crie "BONNE FÊTE" à mon arrivée et me file une paire de bises sur les joues.

— Heille, lui a déclaré une consoeur de travail hier matin, c'est pas encore sa fête.

— Je le sais, lui a répondu l'autre, mais je m'en fouts: il sent bon! J'en profite.