Je ne vous avais pas encore raconté celle-là…
C'était un samedi, il y a quelques semaines. Je vaquais à des occupations aussi ménagères que monotones. J'en étais à arpenter les planchers de mon apart' avec l'aspirateur lorsque mes narines furent agressées par une odeur désagréable.
En clair, ça sentait la merde.
Mes suspicions se sont immédiatement portées sur l'otarie à poils longs qui me sert de chat. 'fectivement, c'était bien d'elle qu'émanaient les antipathiques effluves. Elle était parvenue je ne sais comment à se tartiner l'arrière-train de ses excréments qui lui couvraient le pôle sud de la queue aux coussinets des pattes, comme si l'envie de s'asseoir dedans s'était emparé d'elle.
Le "ouaccchhhhh!" qui m'a échappé devait être en langage universel parce qu'elle a couru se cacher entre le fauteuil et la bibliothèque du salon. J'étais découragé. La dernière chose dont j'avais envie — et pour laquelle j'avais du temps! — était bien de décrotter la coupable féline mais je n'avais pas le choix. Il me fallait agir avant que ne lui vienne l'idée d'aller se vautrer sur le divan ou sur mon lit.
J'interrompis donc l'alimentation électrique de l'aspirateur et cherchais en moi le courage de m'attaquer à la tâche qui m'échoyait. Tout d'abord, les préparatifs! Plusieurs vieilles serviettes, un gant de toilette, la brosse du chat, le shampoing spécial pour animaux familiers… j'installais quelques serviettes sur le bord du bain, me vêtis d'un simple short, laissais pendre la douche téléphone, plaçais le petit cossin grillagé (genre d'égouttoir servant à recueillir cheveux et autres spécimens pilaires qui auraient la mauvaise idée d'aller boucher la tuyauterie) dans le trou du drain et me félicitais de ne pas avoir encore passé le ménage de la salle de bain dans la liste des choses que je m'étais données à faire cet après-midi là.
Je ne vous cache pas que j'étais anxieux. J'avais encore clairement en mémoire comment la petite bête m'avait trouée la peau entre le pouce et l'index la dernière fois que le vet avait eu la déplorable initiative de lui enfoncer un thermomètre dans le rectum. Je me rappelais aussi des histoires d'horreurs entendues de vétérinaires et autres toiletteurs à propos de chats retournés à l'état sauvage ou carrément morts d'un infarctus provoqué par une simple tonte. La majorité de ces individus se refusent d'ailleurs à tondre un chat qui n'est pas sous anesthésie. Et si ma chatte devient dingue? Et si elle me taillade la peau avec ces griffes que je ne lui ai pas fait enlever? Et si elle me pète une crise cardiaque?
Quoi qu'il en soit, le bain de Bestiole n'est plus une option. Je prends une grande inspiration et je vais sortir la chatte de sa cachette. Bien qu'elle ait droit à de régulières marques d'affection et qu'elle ne soit jamais bien loin de moi, c'est un animal qui n'est pas habitué à se faire prendre. Aussi a-t-elle immédiatement suspecté du louche… À bout de bras, j'ai mené le quadrupède crasseux jusqu'à la salle de bain et me suis empressé de refermer la porte derrière moi. J'ai déposée la chatte dans le bain. Nous allions pouvoir passer aux choses sérieuses.
Des pattes griffées, mes amis, ça n'est pas très bon pour l'émail d'une baignoire. En revanche, je peux vous assurer que l'émail n'offre que très peu de traction à une chatte obèse qui juge qu'elle a tout intérêt à se retrouver ailleurs rapidos!
Me voilà donc à genoux sur le rebord du bain, à maintenir fermement ma chatte par la peau du cou tandis que je commence à faire couler l'eau tout doucement.
Panique! Les quatre pattes patinent sur la surface glacée. Les poils se hérissent. L'animal se contorsionne. Je lui parle doucement et lui tapote le museau avec ma main mouillée. Ça ne la rassure pas. Je change de main pour tenir le chat et m'empare du gant de toilette que j'enfile tant bien que mal sans avoir recours à mon autre main.
La chatte miaule lugubrement. Elle cherche à se libérer de mon emprise. Je la mouille complètement avec le gant. Elle pédale, miaule de plus belle, se débat. Je commence à perdre patience! Il faut garder à l'esprit que toute cette opération se déroule avec une main fermement resserrée sur l'échine de l'animal.
Je laisse tomber le gant et, de ma main libre, je m'empare de la douche téléphone et parviens à tirer la petite clenche qui aiguille le jet du robinet vers la douche. Tout en continuant à parler doucement à Bestiole, je la douche abondamment. Inutile de préciser qu'une sorte d'hystérie s'empare d'elle… Elle se débat maintenant avec beaucoup de vigueur. J'ai du mal à l'empêcher de sortir du bain. J'ai chaud. Je suis dans une posture qui me ruine le dos. Les poils filent par centaines et vont lentement obstruer le cossin grillagé destiné à prévenir l'occlusion des tuyaux.
Je commence à en avoir ma claque d'être gentil. Cette conne se met de la merde partout et elle prétend m'arracher les yeux quand je cherche à la nettoyer! Elle miaule et remiaule! Ça m'agace au plus haut degré. Pour la faire taire, je lui balance le jet d'eau en pleine figure. Ça ne la calme pas du tout!
Elle se débat, pivote sur elle-même, je manque de la lâcher. Elle miaule, je lui fouts l'eau dans la gueule, elle miaule encore, je lui en remets une couche… Miaou! Pssshhht! Mwellooooooowww! Psshhhhiitt!!! Ça commence à bien faire! Je n'en vois pas le bout! Je ne peux même plus interrompre l'opération: elle est encore toute collée de caca mais en plus, maintenant, elle est détrempée!
Je change de main et j'attrape la puisette métallique pleine de poils mouillés; je la frappe sur le bord du bain pour la vider au mieux avant de la remettre en place. J'ai chaud et je transpire… la sueur me coule du front et me pique les yeux. Bestiole râle!
Elle en a sa claque aussi, de mes conneries! La voilà qui me crache après! C'en est trop! Je me penche vers elle et je lui fais la même chose! Un gros SSSHHHHHHHHH à deux doigts du museau! Ses oreilles se rabattent. Elle grogne sourdement, je crie de plus belle, la soulève par la peau du cou… elle se raidi tandis que je lui fly le jet "power massage" dans le trou de balle!
Ça coule brun dans le fond du bain. Je sais, c'est dégueulasse. Mais une intense satisfaction s'empare de moi. Le sentiment qu'enfin, je commence à obtenir des résultats concrets! Je la shoot au max de tous bords tous côtés alors qu'elle est déterminée à foutre le camp de cet enfer aquatique! Elle n'a pas cessé de se plaindre et chacun de ses miaulements m'exaspèrent et m'insultent comme autant de marques d'ingratitudes. Mon dos me fait mourir. Un chat de 16 livres tenu à une main, c'est déjà lourd, mais alors quand c'est mouillé...! Je lâche la douche téléphone pour reprendre le gant de toilette. Mauvaise idée! Le jet d'eau s'élève, m'atteint en pleine gueule avant de poursuivre sa salve d'artillerie vers mes murs et mon plafond. Y'a de la flotte partout! J'en ai eu dans les yeux.
L'animal me crache après encore une fois. Ce coup-ci elle a droit à une taloche sur le museau et un "TA GUEULE" bien senti. Je rabats la clenche pour renvoyer l'eau vers la champlure. Ré-enfile le gant en contorsionnant mon unique main disponible. Les griffes laissent des marques bien visibles sur la surface blanche. Une constellation de poils flotte vers le drain encore bouché. Je le vide à nouveau du mieux que je peux.
Je pose ensuite ma main gantée sur la bouteille de shampoing que, Ô! dans ma prévoyante sagesse, j'avais pensé à déboucher avant le début de l'opération. Je renverse carrément la bouteille et le savon coule sur la débarbouillette. Je repose l'objet dans un coin de la baignoire et, frotte cocher! je frictionne vaillamment l'arrière-train de ma chatte qui est à présent parfaitement ridicule tellement sa silhouette s'est atrophiée! Elle qui paraît habituellement si grosse sous sa toison laineuse me dévoile à présent une tête à peine plus grosse qu'une balle de tennis. De son côté, elle doit me trouver tout aussi impayable, les cheveux en bataille, la face cramoisie et le corps tout entier luisant de transpiration.
Je frotte, elle miaule, ça mousse! Le bain est plein de poils. Lorsque je suis convaincu d'avoir bien lavé l'animal, je lâche la débarbouillette et m'empare de la brosse à poils d'acier. Je brosse et je brosse la chatte dans tous les sens. Les mottons de poils s'agglutinent. Je cogne la brosse sur le rebord du bain (je n'en suis plus à quelques égratignures près sur ce pauvre émail) et je recommence l'opération.
Elle n'a jamais cessé de miauler et de se débattre. Je suis épuisé. J'ai tellement chaud! Je suis collé de poils un peu partout. Ça chatouille. Mes reins sont en compote. Mais j'ai la main gauche (pleine de poils aussi!) sur le chat et la droite qui attrape à nouveau la douche, je ne puis donc pas me gratter. Je réactive la clenche. Cette fois je fais gaffe à ce que l'embout pointe vers le fond de la baignore. Je rince généreusement la terrible bête durant plusieurs minutes. Quelques jets exploratoires dans le troufignon me confirment, à en juger par la couleur de l'eau qui dégoûte d'elle, que l'opération est un succès.
J'arrête l'eau.
Je reprends mon souffle.
Je sors Bestiole et la dépose sur une serviette. Je la frictionne ensuite vigoureusement avec une autre serviette. Elle se débat déjà moins. Enfin, je la lâche, épuisé. Elle court se réfugier sous la citerne de la toilette.
À genoux sur le plancher de la salle de bain, je jette un coup d'œil horrifié au lieu du crime: il y a de l'eau partout; des poils partout; mon émail est scarpé; la passoire métallique regorge de poils sombres et trempés, la brosse à chat aussi; y'a de multiples mottons de poils dégoulinants sur les rebords du bain et j'ai maintenant une débarbouillette et trois serviettes recouvertes de poils humides et collants.
Mais je suis satisfait. La chatte est propre. Détrempée, traumatisée, oui, mais propre.
J'ouvre la porte de la salle de bain. Elle reste tapie sous la cuvette. Je la prends, la pousse vers la sortie. Elle renifle prudemment puis décolle en courant, fière de m'avoir bien couillonné, du moins le croit-elle. Je sais parfaitement où elle va: sous mon lit. C'est son spot quand elle veut fuir quoi que ce soit.
Je marche jusqu'au salon, les jambes molles, et pose mes fesses sur le rebord du divan. J'allume une cigarette. La sueur continue à couler de moi et je tremble comme une feuille! Puis j'éclate de rire et m'en vais dans la chambre où, après avoir glissées quelques minouches sous le lit, je me prends en photo pour léguer à la postérité cette tranche de vie sublime que fut mon combat contre le derrière cacateux de ce qu'on appelle mon "animal de compagnie".
J'aurais dû me contenter d'un poisson rouge!
Bon, ça n'est pas tout. Faut maintenant que j'aille ramasser les dégâts, prendre une bonne douche, nettoyer la salle de bain… oh, et y'a l'aspirateur qui m'attends encore sur le plancher de la cuisine.
“Two possibilities exist: either we are alone in the Universe or we are not. Both are equally terrifying.”
― Arthur C. Clarke
― Arthur C. Clarke
20070928
Aventure rocambolesque dans ma salle de bain
Commis par Cyberyan à 22 h 18
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4 cyberblabla(s):
À mon tour de te visiter :-)
Très bon texte et super drôle en plus. J'ai eu l'impression d'assister en direct à la scène.
@ machavalou: merci beaucoup! Et félicitations! Tu es, à ce que je sache, la première personne que je ne connais pas à venir voir mon blog ;o)
À tout le moins, tu es la première de cette catégorie à le commenter :oD
Yamp a écrit sur Facebook:
Émail râpé, je connais. J'ai une triade de lignes bien définies sous le robinet de la baignoire, cadeau d'un Saturne terrifié qui s'était mérité la peine capitale pour m'avoir feulé après alors qu'il se faisait grondé, et pour m'avoir pissé dessus alors que je le conduisait vers la salle de bain...
(J'ai essayé de poster ce commentaire à même ton blog, mais ça ne fonctionnait pas alors...)
J'ignore ce qui clochait, AM, pour moi ça semble fonctionner.
Je réessaie pour la forme. Si ça fonctionne, je vais avoir droit à Murphy deux, sinon ben, tant mieux! ;)
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